« Les professionnels doivent être présents !», ne cesse de marteler Patrick Simon, Monsieur Durabilité de la CNT. Dans un contexte de Pandémie», d’effondrement industriel et financier en position de sauvegarde, de remise en cause des grands principes sociétaux, avec une crise du dollar qui veille, de l’euro exacerbée, les besoins «fondamentaux» du Maroc pour son équilibre restent les mêmes: croissance, chômage, équilibres budgétaires. 

Il faudra donc répondre, selon lui, à une fracture sociale qui veille !

Ceci est valable pour tous les secteurs et en particulier celui du tourisme qui risque tout simplement de se voir balloté entre « Disjonction et Disruption » partagées entre sauvegarde et/ou remise en cause sans trop réfléchir aux actions génératrices de revenus, à l’accompagnement des PME-PMI locales, régionales actrices et promotrices de l’emploi.

Et c’est vrai. Un peu partout dans le monde, se fait sentir l’accélération du changement dans notre rapport au temps et à l’espace. Tout évolue, tout bouge en même temps sans lien apparent si ce n’est l’éternelle questionnement sur « souveraineté et mondialisation ». 

Entretien…

Aussi, qu’en est-il au vu des évolutions rapides qui s’opèrent ?

Réponse de Patrick Simon: Nous assistons à un paradigme de changement. Tout change et nous le voyons avec une économie mondiale qui s’effondre n’arrivant pas, par ‘effet de surprise et rapidité des extensions et impacts de la COVID19 à se réguler en des temps admissibles et selon des coordinations mondiales, inter blocs acceptables dans l’évolution d’un marché. Période ayant et étant très rapidement confrontée à des séries d’élections aux quatre coins du monde, qui exige des résultats de gestion des risques, qui, comme toujours, valorisent et mettent l’accent, en superlatif, sur les exigences de tout un chacun face aux changements souhaitables. 

Autres éléments d’accélérations de ce changement, des régions qui se distinguent par rapport aux idées reçues et qui de ce fait interrogent sur le présent, le court terme, l’avenir, par des idéaux qui s’expriment, osant en ces périodes remettre en cause les certitudes balisées, les conduites convenues, des hésitations et bouleversements dans les diverses parties du monde, et bien sûr «une pandémie» mais aussi en parallèle «un automne post pandémique mondial, européen et méditerranéen», avec un après TRUMP, une économie européenne Post Brexit, un dollar et un euro qui n’en finissent pas, au jour le jour, de nous interroger sur ce monde d’aujourd’hui, à tel point que le monde a du mal à les identifier, à les reconnaître.

Tout cela en si peu de temps, Une crise ramenant à des critères de l’après deuxième guerre mondiale, et pourtant les besoins fondamentaux restent les mêmes. J’entends bien sur par besoins la croissance, le chômage, les équilibres budgétaires etc. Oui, en ces temps de mutations, il devient urgent de ne considérer dans les termes d’identifications que le sens pragmatique de ceux-ci, à savoir le sens des réalités face à une situation rendue floue, car nouvelle et certainement riche en devenir, car elle constitue le fondement des jours nouveaux qui s’annoncent pour peu que l’on pense réalités et fracture sociale !.

Vous êtes dans le secteur du tourisme, comment penser le développement durable dans ces conditions d’incertitudes d’un redémarrage touristique, d’un tourisme Vision 2030 ?

Le Tourisme Maroc est en position d’effondrement confronté à une situation internationale sur laquelle il n’a que peu d’emprise et même bien au contraire, restant entièrement dépendant de l’extérieur pourvoyeur des touristes, ainsi que des mobilités aériennes et maritimes, non préparées, cadrées, tout cela face à cette crise qui remet en cause les échanges internationaux, mais également les notions des regards marketées du tourisme qui faisaient et définissaient les voies, les choix, les destinations touristiques de manière à ne plus dépendre que des mobilités qui déterminent ainsi, seules, les réalités d’une destination !

C’est en quelque sorte la situation que subit de plein fouet le Maroc en cette « disjonction », faute de stratégie et de gouvernance ayant su prendre en cause et effet les besoins de constituer « ce matelas de sécurité » du tourisme interne pouvant encaisser les chocs des crises possibles : « La Covid 19 » en est l’exemple, et malheureusement d’autres sont à venir !

Cela n’aura pourtant pas été faute pour certains, dont je suis d’en avoir signalé en temps utiles l’éventualité, les probabilités, les risques encourus ayant en cela offert les solutions en durabilité. 

L’on connaît votre penchant pour le développement durable, à votre avis n’est-il pas temps de donner du sens concrètement au tourisme durable qui pourrait être l’une des solutions que vous avez toujours promues pour ce qu’il apporte et profite aux populations des terroirs et , en même temps, offrir des solutions au tourisme interne ? En d’autres termes, ne faudrait-il pas reconsidérer ces définitions et d’après vous n’est il pas trop tard?

Je répondrais tout d’abord qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, mais rajouterais aussi que vite et bien ne va pas toujours ensemble. Je tiens à dire en cela qu’à titre d’une industrie nationale, nous sommes dans le besoin de considérer les tenants et aboutissant des activités en globalité que représente celle du Ministère de tutelle pour ce que sont les métiers du tourisme dans leurs ensembles, que sont aérien, économie sociale et artisanat car la situation actuelle entre formel et informel rajoutées à la situation pandémique se positionnent en situation de fracture sociale.

Je pense en cela que plus que jamais il y a à considérer dans la grande urgence les différences entre « Disjonction et Disruption » !  

Oui le disjoncteur ayant sauté, il ne suffira absolument pas de le réenclencher !

La Disruption est là, et plus que jamais la notion « des situations qui étaient et qui ne seront plus jamais les mêmes ! de nouveau paradigme ! », sont parfaitement d’actualités !

Il s’agit bien de revoir tout autrement pendant cette période pandémique et post pandémique de« prendre le taureau par les cornes » pour réenvisager des formulations durables, nouvelles, prospectives et tournées vers les populations, avec les populations par des solutions porteuses de valeurs ajoutées et non plus de rentes et de profits immédiats. 

Politiques, finances internationales, réaménagement des échanges internationaux, révisions des obligations, nouvelles technologies, nouveaux modes financiers sont déjà à la porte du futur n’ayant fi des obligations, des responsabilités !

En cela le Maroc n’a de mon avis comme solution que le choix de prendre la juste mesure de revoir globalement sa copie par l’investissement en de projets pilotes susceptibles de résoudre en premier lieu son propre marché intérieur avant de reconsidérer, selon les conséquences économiques Post Covid 19 les capacités qu’offriront les nouvelles formes de mobilités liant l’industrie touristique mondiale à celles qui faisaient jusqu’à ce jour le Tourisme Marocain.

En cela, il y a « Disruption du marché touristique marocain » par le fait d’avoir à revoir totalement la copie. Pour sa sauvegarde il se doit de prendre en compte  l’investissement dans un ordre adapté aux réelles priorités pour se refaire, pour être présent au moment d’un redémarrage qui ne pourra s’assurer que sur les deux  à trois années à venir !

Facile à dire, mais comment traduire ces ambitions par des plans concrets ?

Je vous l’accorde, mais répondrais comme dit le dicton que  « c’est au creux de la vague qu’il faut investir, qu’il faut être opportun » ! 

Nous définissons, depuis plusieurs années déjà, grâce à la proximité locale, régionale et professionnelle des CRT, les besoins criants d’une prise en considération des besoins locaux d’intégration à l’élaboration et à la réalisation de ces projets par un rapprochement avec les notabilités et identifications culturelles locales, pour de meilleures intégrations. 

Pouvez-vous être plus précis en donnant des exemples plus concrets ?

En premier je rappellerais que j’ai pu personnellement solliciter depuis plusieurs années déjà, hélas les redéfinitions locales et régionales pour une meilleure redistribution des cartes, immédiatement et de manière rentable. Pour mieux prévenir, plutôt que d’avoir à guérir, et en ce sens nous avons mis en place : le Projet Pilote du « Territoire soutenable du Géoparc Jbel Bani » qui nous a mené à penser en parfaite collégialité de nos comités, équipes et adhérents (du monde du Tourisme, de la Communication, de l’Université, des Scientifiques) qu’il était plus important de mettre en place les instruments de formations, mises à niveau, états des lieux, outils de cartographies, définitions des flux répondant aux formes actuelles de mobilités terrestres, des capacités de créations et d’innovations par un développement pensé et prenant en compte les définitions d’attractions, d’attractivités, d’images du « Territoire » prenant en cause les formations de la population locale, pouvant permettre la compréhension et capacités d’élaborations de clusters, parfaitement reconnus, et inscrits sur les fondements structuraux de la durabilité régionale, inter régionale !

Les régions ont leur propres acquis, la Régionalisation avancée a été jusqu’à ce jour sous estimée et n’aura que trop tardé ! J’attends en ce sens les résultats du Rapport commandé par sa Majesté le Roi sur les nouvelles formulations de développement qui, et je m’avance à le définir, porteront très certainement, en principal, sur ces rééquilibrages inter régionaux mieux pensés, partagés, architecturés et prenant en compte en premier lieu les populations !

La « disruption » en cela sera le vecteur de la réussite si elle sait véritablement se distinguer par des volontés fortes de vouloir fondamentalement changer, en sachant échapper aux impératifs et exigences d’une simple vision de « disjonction » qui marquerait le pas pour encore plus reculer !  

En second  je rappellerais également qu’il suffirait plutôt que tout mettre dans le même panier (Région, Urbain) qu’il se doit d’avoir dorénavant obligation d’accorder, dans les projets, une importance conséquente, faisant force de modifications et d’adaptations régionales, pour que dans les projets majeurs s’impose une distribution de 40% de ces réalisations et des travaux d’aménagements nécessités par ces réalisations en restructurations à des PME-PMI locales, régionales, pour que l’emploi local soit associé à ces réalisations à hauteur minimale de 20%.

Toujours en ce sens, on peut penser que les projets énergivores, consommateurs en eau et pollueurs prennent en charge, sous forme de projets publics/privés, les participations régionales et locales dans le cadre de l’aménagement du territoire, nécessités par les modifications régionales apportées du fait de meilleures implantations par l’idée de cluster prenant en cause les autres obligations telles que mises à niveau des santé et éducation. 

Ces implantations seraient l’occasion de créer les activités locales et régionales créatrices d’emplois pour la défense de l’environnement, dans et autour des zones concernées par ces réalisations. 

Il en serait ainsi, tout en créant de nouvelles sources régionales de financements pour tous les secteurs de l’énergie, de la préservation de l’environnement, de l’efficacité énergétique avec créations et participations dans les programmes régionaux solaires ou éoliens, et ce pour les productions d’électricité, pour le dessalement des eaux saumâtres ou de mer, selon les régions d’implantation, pour les pompages, pour les recyclages des eaux résiduelles avec traitements urbains et agricoles, avec redistributions sectorielles pour une meilleure rentabilité régionale, pour le traitement des déchets de ces sites comme de ceux des collectivités locales alentours, et ce pour le respect de l’environnement à livrer aux yeux des visiteurs nationaux comme internationaux et pour l’ensemble des réalisations périphériques qui découlent de ces réalisations (habitat, agricultures, services, etc.) : « les régions formant un tout ne pouvant n’être traité qu’en transversalité et inter culturalité ».

Les textes nécessaires existent mais pas toujours d’actualités. Nous définissons par notre expertise que l’on pourrait, si la volonté politique existe, avancer rapidement. Il pourrait en être de même pour le respect de l’engagement des mises en place et fonctionnements des associations professionnelles des métiers du tourisme, culturelles et de l’environnement dans les CLS (Comités locaux de suivi et Comités de Pilotages) qui, en partenariat direct avec l’investissement touristique institutionnel, pourraient résoudre les problématiques des participations régionales intégrées, telles que la formation et les emplois adaptés aux besoins présents comme futurs, avec des orientations mieux définies, plus adaptées selon les besoins régionaux, l’adaptation et intégration des lieux et du patrimoine local pour de meilleurs partages et équilibres des fréquentations, la stabilité et la durabilité des séjours touristiques. Cela pour sortir de l’idée du Tourisme Marocain basé principalement sur l’hébergement

Je pense également au partage et à de meilleures présentations des capacités et possibilités culturelles locales à des fins de survivances, de développements, de rentabilité de l’artisanat comme aux produits culturels et ceux du terroir, des outils pour éco musées ramenés à leurs territoires.

Enfin, et dans un registre différent, il devrait être redéfini, normalisé, adapté des solutions de meilleure gouvernance relatives à la responsabilité éco-sociale et éco-sociétale de la part des secteurs privés et publics. Cela consisterait à redéfinir les besoins, les critères en lien avec le développement durable qui permettraient de prendre clairement conscience qu’un emploi citadin coûtera cinq fois plus cher qu’un emploi en monde rural et que, de ce fait, il y a nécessité, dans le cadre des besoins en aménagements du territoire, de reconsidérer l’équilibre entre les demandes des différents secteurs qui auront à s’associer à l’action touristique pour redéfinir, dans l’urgence, les besoins d’équilibre et les voies d’une symbiose entre le monde urbain et le monde rural.

Ces transformations dans le temps et l’espace géographique, mais ces adaptations doivent se jouer aussi au niveau de l’espace ?

À ce titre, et au vu de la situation internationale qui sans aucun doute subira les effets directs ou indirects de la crise et des mutations actuelles dues à la COVID-19, la réalité est certaine d’un besoin d’ouverture vers de nouvelles voies Sud-Sud, Maroc-Afrique, Maroc Israël etc.  avec la création de nouveaux marchés et l’obligation de glissements des objectifs qui ont été définis vers un développement touristique intérieur, maghrébin, mais aussi culturel et identitaire permettant de réviser des valeurs touristiques institutionnelles qui dans un avenir imminent seront contestées ! 

Il s’agit ainsi de mettre en œuvre un tourisme repensé en tant que facteur et vecteur de stabilité et de sécurité intérieure mais également de santé et de mises à niveau locales !

 Il en sera ainsi pour les besoins d’une différentiation absolument nécessaire du Maroc par rapport aux pays riverains qui, touristiquement, sont convaincus de leur besoin à naître ou à renaître. Il en est ainsi des divers déserts au Maghreb comme au Machrek, divers sites historiques, qui en Post Pandémie chercheront également leurs nouvelles voies… Il en sera ainsi pour les réactions et besoins de mise à niveau de l’Europe du Sud. Il en sera ainsi avec ce Regard reconnaissant Africain pour le Maroc. Cela ne se pense plus, cela doit être construit !Dans cette période de transition ce serait là un but louable !

Monde, blocs, société fractale et fragmentée qui nécessite beaucoup de réajustements, libéralisme débridé… qu’il faut brider pour les besoins de la collectivité. Des tendances vont naître, elles sont déjà là, embryonnaires. 

Dans ce cas précis du secteur du tourisme, ces nouvelles tendances sont à prendre au bond et rebond ?

Le Maroc touristique ne survivra et ne vivra qu’en se prenant en main dans un partenariat institutionnel Public Privé, selon une stratégie et gouvernance partagée avec un nouveau regard en disruption sur les outils, les objectifs touristiques de valorisations culturelles partenariales matérielles et immatérielles. 

Il se trouve à un carrefour autour duquel les différentes autres industries nationales se voudront essentielles et prioritaires car plus opportunes en ces temps perturbés, du fait de leurs capacités d’adaptations et de reconversions dans des actions de résolutions de productions en souveraineté. Carrefour qui cependant peut  lui offrir les voies du renouveau, de la remise en cause et de la restructuration car le Tourisme reste et doit rester l’expression de l’Image culturelle Marocaine.

Il est entendu qu’une industrie touristique doit se donner les moyens d’être envisagée et reconsidérée de manière ingénieuriale, professionnelle, institutionnelle, mais aussi de manière équilibrée par l’enrichissement de ses niches régionales touristiquement identifiées. Il est évident que les programmations nationales et régionales doivent conserver l’équilibre d’une vision durable dans le temps afin de réussir ces réalisations et mises en place sous couvert d’une meilleure intégration des populations au respect sociétal par l’inclusion, l’intégration, l’authentique et l’identitaire

Je pense véritablement que ce sera en tenant compte de l’ensemble de ces points que cette vision deviendra durable sur le fond et non sur la forme, au risque, faute de la prendre au sérieux de devenir éphémère, passée de mode, car uniquement basée et pensée sur des critères de rentabilité immédiate, oubliant l’essentiel, à savoir la prise en compte des effets multiplicateurs et des valeurs ajoutées directes comme indirectes qu’apporteront ces nouvelles réalités, en tant que valeurs de durabilités éco sociales et éco sociétales. 

À ce titre, plus que jamais, l’institution se doit de prendre la charge de guider les professionnels du tourisme marocain, de tous bords, de tous nivaux, toutes catégories en sachant rappeler et faire valoir les équilibres nécessaires pour prendre conscience des besoins d’innovations, de créations d’adaptations qui s’imposent dans cette situation nouvelle qui, plus que jamais, démontre que ce qui était vrai hier, ne l’est plus aujourd’hui et ne le sera plus demain. 

L’industrie Touristique et les professionnels se doivent d’être reconsidérer par qui de droit en tant que bâtisseurs, respectant le besoin de réaliser de nouvelles fondations, permettant à la Maison tourisme Maroc d’être solide et prête à affronter la course effrénée de reconquête des marchés par une concurrence qui ne l’oublions pas sera parfaitement déloyale, car de nombreux pays pendant cette période pandémique ayant été largement subventionnés  !

Laissez un commentaire